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Année fédérale standard 471 (Année Terrienne 2604)

Cerion s’exerçait à sa passion favorite. Elle consistait à trouver des similitudes visuelles entre la flore de sa planète et celles des autres mondes de la Fédération. Elles étaient rares mais chaque découverte provoquait toujours une vive émotion au sein de la communauté des botanistes galactiques. Sur ce monde dont l’acide était source de vie, il existait des plantes similaires à celles des mondes forgées par l’eau ! Cerion peignait avec soin chacune de ses découvertes et les faisaient parvenir à la capitale fédérale Utolia grâce aux vaisseaux des entreprises minières. Il ne faisait pas partie des artistes Tirviens les plus cotés de la galaxie mais c’était tout de même fait un nom. Peu importait sa cotation, le plus important pour lui était de participer à ce grand mouvement d’art trans-planétaire. Il venait fièrement de terminer sa dernière toile, un clair obscur floral. Il recula de quelques mètres pour que le chevalet se perde dans l’environnement qui venait d’être peint. Il sourit, c’était assurément sa plus belle peinture. En arrière plan, se dessinait un étroit chemin entouré par une très dense et sombre végétation violette. Les rayons d’Alpha Aurigae A et B ne transperçaient quasiment pas la canopée jaune ambrée. 

Au premier plan, une sublime fleur, constituée d’une trentaine de pétales imbriquées les unes sur les autres, illuminait le tableau par ses multiples couleurs. La manière dont Cerion l’avait peinte donnait l’impression qu’elle sortait de la peinture. On aurait pu la saisir entre les mains, on aurait presque pu sentir son parfum. Seuls ce chemin et la fleur centrale à la composition étaient lumineux et donnait ainsi l’impression d’êtres des sources où l’on pouvait puiser la force de résister à un environnement inhospitalier. Il n’avait jamais vu cette fleur lors de ses précédentes excursions. C’était bien normal car il se trouvait pour la première fois de sa vie dans l’étroit canyon exotique voisin du lac d’Irmnec. Le lac le plus proche du pole sud de Tirvee. Il avait voyagé de l’équateur jusqu’ici pour avoir la chance de faire ce genre de découverte. Cette plante avait surpris Cerion et il s’était immédiatement mit à rechercher son espèce dans le Guide de Conservation de la Flore des Mondes Libres. Il ne trouva d’éléments de comparaisons qu’avec une seule fleur. Une Rose de la Terre. Il eu un véritable coup de foudre et commença immédiatement à la peindre. Contrairement aux autres fleurs, celle-ci ne proposait pas un aplat ou un dégradé de couleur mais une palette multicolore ahurissante. Chaque pétale était d’une couleur complètement différente des autres. Il n’aurait pu nommer certaines de ces couleurs, car il ne les avait jamais vu. Cette fleur était un véritable arc en ciel de joie !

Cerion rangea son matériel, pris sa toile et se mit en marche pour rejoindre son campement situé en haut du canyon. Les cents nuances de mauves de la flore se développaient au fil de ses pas : pourpre, rose, prune, parme, violet, grenat, vermeille. Seul le jaune de la cime des arbres contrastait. 

Depuis le haut promontoire rocheux où il avait établi son campement, Cerion observait la plaine. Il avait trouvé un emplacement de choix pour profiter de sa permission printanière. Les cent vingt kilomètre carré du lac d’Irmnec faisaient face à lui et à sa droite, se dessinait l’immense chaîne de montagnes qui entourait le pôle sud. Elle culminait par endroit à 9000 mètres d’altitude. Elle constituait, tout comme la chaîne du pôle nord, une barrière infranchissable protégeant un microcosme de l’atmosphère d’acide du reste de la planète. Il éprouvait une profonde nostalgie en regardant ces montagnes. Il se remémora certains des mystères qu’elles renferment. Il avait découvert quelques uns d’entre eux lorsqu’il était enfant.

Un grondement se fit entendre dans le lointain. Un grondement qui s’accentuait progressivement. Cerion baissa les yeux. Il vit une forme sombre sur le sol. Elle s’allongeait et s’assombrissait lentement. Il comprit que ce n’était pas son corps qui provoquait cette ombre mais quelque chose d’autre. ll leva les yeux au ciel. Il vit quatre gigantesques volcans pointant vers le sol qui crachaient des flammes et perçaient la couche de nuages. Une immense surface noire qui tenait ces volcans apparut à son tour. Les minutes passèrent et la surface noire devint un colossal rectangle. Il semblait presque aussi large que le lac d’Irmnec. Cerion avait déjà vu atterrir et décoller des vaisseaux spatiaux de la FIML depuis leurs installations minière. Aucun d’entre eux n’était aussi grand, aussi imposant, aussi bruyant que cette forme qui traversait actuellement les nuages. Une ouverture circulaire se fit sur une des faces du terrifiant rectangle. Un large rayon partit en direction de la chaîne de montagnes. Lorsqu’elle fût touchée par celui-ci, elle implosa et une onde de choc remplie de débris et de poussières se propagea à trois cent soixante degré. Cerion prit sa Rose à la main et courut se mettre à l’abris en direction du canyon. Sans s’arrêter, il se retourna brièvement et vit des milliers de gerbes de pierres montées dans le ciel tandis que l’onde de choc fondait sur lui. Il sauta dans le canyon, espérant que la canopée, la végétation et son épaisse carapace le protégeraient de l’impact au sol à venir. Mais il était sans espoir pour sa peinture. Il la retrouverait brisée en mille morceaux.

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