Année fédérale standard 479 (Année Terrienne 2612).
Huit ans après l’invasion.
« Quelle bande de veinards » se disait Duke en fixant l’horizon. « Quelle chance ils avaient de naître et de grandir sur Terre. C’est si apaisant de ne pas être préoccupé à survivre dans une station minière ou à bord d’un vaisseau spatial où seuls quelques centimètres de métal vous protègent de la mort du vide de l’espace. Pas de dépressurisation à cause de micros météorites, pas d’attaques surprises de pirates, pas de fades nourritures de synthèse et on peut manger du… » Son subconscient le coupa dans ses pensées et sa main se glissa dans le paquet à proximité.
« … Du chocolat ! » Il se laissa tomber en arrière, écarta les bras sur le sable chaud tout en profitant de cette saveur qu’il avait découvert en arrivant sur Terre l’année dernière. Il remplit ses poumons de la plus grande bouffée d’oxygène possible. Il expira l’odeur iodée et chocolatée. Il sourit. Le sourire d’un homme dont le corps et l’esprit savouraient une inhabituelle sérénité. Les mouettes volaient autour de lui. Le soleil qui commençait doucement à se coucher entre de rares nuages teintait le ciel bleu de nuances infinies. « C’est magnifique. J’ai de la chance de finir mes jours sur la Terre de mes ancêtres. Tout aurait pu s’effondrer mais on s’est uni face à une menace commune. »
Il se releva doucement et vit Ashka sortir de la mer de La Manche. Elle tenait par la main leur fille. Elle venait de fêter son septième anniversaire. Grâce à la peau bleu-azure de sa mère Fendorienne, et à la peau noire de son père Terrien, elle avait une sublime peau bleu indigo.
– Et voici la plus belle création de l’univers. » Dit Duke. Sa femme lui répondit par son plus jolie sourire, s’allongea à coté de lui et l’embrassa.
– Tiens, mets ce casque chérie, j’ai une musique à te faire écouter. » Dit il.
– C’est quoi ? » Lui répondit elle.
– Tu verras bien. » Elle sourit. Trois minutes passèrent puis elle éclata de rire et le regarda tout en enlevant le casque.
– Qu’est ce qui te fait autant rire ? » Dit il.
– Mais, c’est quoi cette voix étrange de robot ?
– C’est la mienne. Tu te souviens quand on a visité Paris il y a quelques mois ? Et bien j’ai trouvé le magasin d’un mec spécialisé dans la réparation et la vente de vieux synthétiseurs. Lui et sa famille conservent et restaurent certains modèles depuis que nos ancêtres sont partis de la Terre, il y a quatre cent ans !
– C’était leur job ?
– Il m’a dit « c’est mon destin ». Il est le descendant d’un certain Jean Michel… Je sais plus qui. Enfin bref, j’ai secrètement acheté et appris à utiliser un Vocodeur.
– Un « ouakouakeur » ? » Dit Ashka.
– C’est presque ça. Tu es toujours aussi adorable quand tu essaies de prononcer certains mots Terriens. » Duke prit le temps d’accentuer et de séparer clairement chaque syllabe et dit : « Vo – co – deur. »
– Moque toi de moi. Je parle mieux le Galactique standard que toi. »
Leur fille, qui portait fièrement de fausses jumelles à la main, tel le capitaine d’un navire, dit alors :
– Papa, Kec tosh val parrq ?
– Dvarl bacm oplu Angleterre y illa.
– Tu vois, tu fais toujours la même erreur. » Dit Ashka. « Il n’y avait déjà plus de genre en galactique standard depuis bien avant ta naissance et plus précisément depuis que la Bioformation de Salenka a été terminé en 251. Bref, c’est comme en Aglais. Si tu accordes « oplu » avec « illa », c’est comme en Fraçais.
– En Anglais. En Français. T’arrives toujours pas à prononcer le son « en ». » Dit il en riant.
– Tu, me, saoul.
– Oui mais on s’aime.
– Vrai. Et pourquoi t’es tu mis secrètement à faire de la musique ?
– Pour faire plaisir à ceux que j’aime et tout autant à ceux que j’aimais. »
Elle remit le casque sur ses oreilles, le regarda droit dans les yeux et l’embrassa de nouveau.